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Blanchisserie

Quel impact la crise sanitaire a-t-elle eu sur les blanchisseries ?


Publié le Mercredi 19 Mai 2021 à 10:03

Le 30 mars dernier, les magazines Hospitalia et Ehpadia organisaient leur tout premier Webinaire consacré aux blanchisseries hospitalières et d’EHPAD en période de Covid. Nous avons pour cela sollicité différents experts, qui ont partagé leur expérience sur les bonnes pratiques mises en œuvre durant cette période inédite, et livré leur vision de celles appelées à perdurer.


De gauche à droite et de haut en bas : Anaïs Guilbaud (Ehpadia, animatrice), Charlène Béal-Fernandez (Lactips), Patrick Dorcy (groupe Barbier), Agnès Souvignet (MRL BIH Loire Sud), Catherine Diallo (CHU de Reims) et Marc Drezen (GCS Blanchisserie Toulousaine de Santé). ©Capture d'écran
De gauche à droite et de haut en bas : Anaïs Guilbaud (Ehpadia, animatrice), Charlène Béal-Fernandez (Lactips), Patrick Dorcy (groupe Barbier), Agnès Souvignet (MRL BIH Loire Sud), Catherine Diallo (CHU de Reims) et Marc Drezen (GCS Blanchisserie Toulousaine de Santé). ©Capture d'écran
« L’épidémie est arrivée de manière brutale. Nous ne connaissions pas ce nouveau virus ni l’ampleur qu’il allait prendre, et n’étions donc absolument pas préparés à ce qui allait survenir », se souvient Catherine Diallo, alors ingénieure blanchisserie-restauration au CHU de Reims, un établissement touché de plein fouet par la première vague du printemps 2020. Alors certes, une structure qui traite le linge d’un établissement sanitaire ou médico-social sait prendre en charge des textiles potentiellement contaminés. « Mais ce virus faisait peur », souligne-t-elle. 

La question spécifique du linge résidents

Si la blanchisserie rémoise a pu repenser son organisation pour décontaminer systématiquement le linge potentiellement contaminé par le SARS-CoV-2, la situation était toute autre pour les structures traitant des vêtements personnels. « La littérature s’est rapidement montrée prolixe pour le traitement du linge standard, donc le linge plat ou le linge en forme. En revanche, la question du linge personnel des résidents d’EHPAD, par exemple, a été mise de côté », note Agnès Souvignet, responsable du site MRL de la Blanchisserie Inter-hospitalière Loire Sud. Il est en effet ici difficile de monter en température. « Il faut garder en tête qu’il s’agit de linge privé. Nous sommes donc tenus de le restituer dans les meilleures conditions possibles », insiste-t-elle.

La complexité était essentiellement technique, puisqu’il fallait trouver un traitement qui convienne à une multiplicité de fibres textiles. Mais elle comportait également une dimension humaine et sociale, pour maintenir le confort et la dignité des résidents alors même qu’ils faisaient face à une situation déjà difficile avec la suspension des visites. « Puisque nous ne pouvions recourir à la thermo-désinfection ou la chimio-désinfection, nous avons décidé, en lien avec l’Équipe Opérationnelle d’Hygiène (EOH), de mettre en place des circuits alternatifs », explique Agnès Souvignet. Plus concrètement, le linge personnel était doublement emballé et isolé dix jours dans un local dédié, avant d’être lavé. « Nous avons, depuis, légèrement modifié cette organisation, puisque les vêtements des résidents sont désormais isolés seulement 24 heures avant traitement », ajoute-t-elle.

Des besoins croissants pour le linge en forme

Au-delà de cette différence notable entre blanchisseries hospitalières et d’EHPAD, eu égard à la typologie des textiles qui y sont traités, nos experts ont tous constaté une augmentation massive des volumes à traiter, en particulier pour le linge en forme. Au Groupement de Coopération Sanitaire (GCS) Blanchisserie Toulousaine de Santé, par exemple, les horaires de fonctionnement de la blanchisserie ont dû être élargis. « Pour se protéger et protéger leurs patients face à un virus qu’ils étaient encore en train de découvrir, les soignants se changeaient beaucoup plus régulièrement », explique Marc Drezen, le directeur technique opérationnel.

Les sur-blouses, en particulier, n’étaient jusque-là utilisées que pour quelques opérations très spécifiques. Le Covid est venu bousculer la donne.« Les besoins sont passés de 20 à 40 sur-blouses par jour, à plus de 8 000 unités ! », souligne Catherine Diallo. Cette modification des pratiques, qui est unanimement saluée d’autant « qu’elle était de longue date recommandée par les hygiénistes, sans être toujours entendue », remarque Agnès Souvignet, s’est toutefois accompagnée d’une difficulté, et non des moindres : la rupture des chaînes d’approvisionnement pour les textiles à usage unique, qui a notamment concerné les sur-blouses.

Un recours massif aux sur-blouses textiles

Celles-ci n’arrivaient en effet qu’au compte-goutte. « Nous avons fait un choix que nous n’aurions jamais considéré auparavant : les traiter, ne serait-ce qu’une fois ou deux, pour augmenter leur durée de vie,note Catherine Diallo.Cela permettait de faire un tour de plus, pour que les soignants puissent continuer à faire front ». Une situation qui a décidé les responsables de blanchisseries à se tourner massivement vers les produits textiles.« Tout le monde s’est retroussé les manches, nos couturières ont créé des patrons, des associations, des magasins de tissu, des particuliers ont fourni le tissu, nous avons découpé et cousu jour et nuit. En trois semaines, nous avons pu fabriquer plus de 10 000 sur-blouses textiles », se félicite l’ingénieure. Marc Drezen abonde : « Nous avons pour notre part pu fabriquer 10 000 sur-blouses textiles en quinze jours seulement, puisqu’une usine a été réquisitionnée en ce sens avec l’aval de la Préfecture ». Une possibilité dont ne disposent pas les blanchisseries privées, comme il tient à le souligner : « Les blanchisseries publiques étaient quelque peu décriées avant la crise, nous entendions des appels en faveur de leur privatisation. Or la crise a démontré la nécessité de les maintenir : nous disposons d’outils comme les réquisitions, que n’ont pas nos confrères du privé ».

« Nous n’avons jamais failli »

Nos trois experts en sont d’ailleurs convaincus : avec la crise, les blanchisseries hospitalières et d’EHPAD, et surtout leurs agents, ont gagné leurs lettres de noblesse, les premières pour leur « rôle indispensable dans le maintien de l’activité hospitalière », les seconds pour leurs « capacités d’adaptation extraordinaires », assure le responsable toulousain. « Nous n’avons jamais failli », résume Catherine Diallo. Une nouvelle solidarité, une écoute et une compréhension mutuelle se sont en outre nouées entre les uns et les autres – soignants, agents de blanchisserie, personnel logistique. « La crise a incontestablement amélioré la compréhension de notre métier, le regard des soignants a changé, ils voient bien que nous intervenons sur plusieurs fronts, les approvisionnements, la conformité hygiénique, la sécurité », insiste Agnès Souvignet.

Mais quels seront ses effets à long terme ? Dans quelle mesure les nouvelles habitudes acquises durant la crise perdureront-elles ? Un point semble faire consensus : il faudra continuer de prévoir plus de trousseaux pour les soignants – qui sont d’ailleurs plus favorables aux tenues banalisées, comme le souligne Marc Drezen –, et donc certainement maintenir des horaires de fonctionnement élargis. Quant à la part que prendront à l’avenir les équipements de protection individuelle textiles, elle sera fonction des blanchisseries elles-mêmes. « La crise a sans aucun doute réhabilité les produits textiles, qui avaient été quelque peu oubliés face à l’usage unique – celui-ci est certes plus facile à gérer, mais tellement moins confortable ! Mais il y aura ici un défi de taille. Les sur-blouses textiles, par exemple, ne perdureront que dans les blanchisseries suffisamment performantes pour les mettre à disposition en temps voulu, y compris durant les pics d’activité », estime Marc Drezen. En tout état de cause, la crise sanitaire semble être l’occasion toute trouvée pour que les blanchisseries hospitalières et d’EHPAD écrivent une nouvelle page de leur histoire.

- Pour revoir le webinar en replay, cliquez ici

Article publié dans le numéro de janvier d'Ehpadia à consulter ici